Remise des insignes de « Chevalier dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur » au Prof. Dr. Edhem Eldem [tr]

L’Ambassadeur de France en Turquie, M. Hervé MAGRO a remis, le 21 octobre 2022, les insignes de « Chevalier dans l’Ordre National de la Légion d’Honneur » au Prof. Dr. Edhem Eldem, pour son engagement et son parcours, consacrés à l’enseignement, à la recherche et au dialogue franco-turc.

Discours de l’Ambassadeur, Monsieur Hervé Magro

Monsieur le consul général,
Mesdames et Messieurs les représentants des institutions culturelles et académiques,
Chers collègues, chers amis,

Monsieur le Professeur, cher Edhem Eldem,
-  C’est toujours un honneur et un plaisir particuliers que de présider une cérémonie dans les salons du Palais de France à Istanbul, où je suis très heureux de retrouver la plupart d’entre vous après la pause estivale, si ce n’est pour certains après la longue et difficile période de la crise sanitaire dont j’espère qu’elle est définitivement derrière nous.
-  L’honneur et le plaisir sont d’autant plus grands que nous sommes rassemblés aujourd’hui pour rendre hommage au professeur Edhem Eldem, qui est distingué par la France pour son engagement et son parcours, entièrement consacrés
à l’enseignement, à la recherche et au dialogue.
-  Il me semble important de rappeler ici que l’Ordre national de la Légion d’honneur récompense des femmes et des hommes pour leurs qualités humaines, leur travail quotidien, leur dévouement au service de leurs concitoyens et de la France.
-  Ce sont justement vos qualités, votre travail et votre dévouement, cher Professeur, que vous avez mis au service tant de la Turquie que de la France, et, plus encore, de la compréhension mutuelle entre les deux pays. Votre fine connaissance des liens tissés entre l’Orient et l’Occident durant la période ottomane est une valeur rare, à préserver et à solliciter aujourd’hui alors que nous voyons à quel point les révisionnismes ou les instrumentalisations de l’histoire peuvent être une menace à notre vivre-ensemble en Europe.
-  Je voudrais en quelques mots, et comme le veut l’usage, rappeler les grandes étapes de votre parcours.
-  Vous êtes né à Genève en 1960, mais c’est à Istanbul que vous vous achevez vos études secondaires, au lycée Saint Joseph. Déjà polyglotte, ouvert d’esprit et éclectique, vous passez du français à l’anglais en intégrant de 1979 à 1983, l’université du Bosphore, alors nouvellement créée en succession du prestigieux Robert College. Doté d’une licence et d’un Master en sciences politiques, vous quittez ensuite les rivages du Bosphore pour, un peu sur les traces des anciens Phocéens, gagner Marseille où, de 1985 à 1989, vous obtenez votre DEA et surtout votre Doctorat. Ainsi s’ouvre une brillante carrière académique consacrée aux échanges entre les rives de la Méditerranée .
-  Permettez-moi ici d’insister sur le patrimoine scientifique, et aussi humaniste, dont vous vous imprégnez pendant ces années de jeunesse et de formation. Votre thèse, intitulée Le Commerce français d’Istanbul au XVIIIe siècle, a été dirigée par l’un des plus éminents turcologues et historiens de l’Empire ottoman, le professeur Robert Mantran, avec qui vous avez, si je puis dire, des destins croisés. De Paris, Mantran a rejoint Istanbul en 1945 pour y préparer sa thèse à deux pas d’ici, à l’Institut français d’Archéologie, que nous connaissons aujourd’hui sous le nom d’IFEA- Institut français d’études anatoliennes). IFEA, que vous avez aussi intégré durant votre thèse et auquel je sais que vous êtes depuis resté constamment attaché.
-  Et puis, à côté de ce que vous ont transmis vos maîtres, il y a aussi cet attachement à l’archéologie et la sauvegarde du patrimoine, qui vous vient de loin ! Arrière-petit-fils d’Osman Hamdi Bey fondateur du Musée archéologique , vous êtes l’héritier d’une longue lignée d’humanistes, de diplomates et de lettrés. C’est d’ailleurs votre illustre parent qui fit construire le bâtiment du musée archéologique par l’architecte franco-levantin Alexandre Vallaury dont -soit dit en passant- l’Institut français de Turquie retrace en photo le parcours stambouliote, dans une exposition ouverte jusqu’à la fin de la semaine.
-  Revenons à votre parcours : en 1989, alors jeune docteur, vous retrouvez l’Université du Bosphore au sein de laquelle vous intégrez le département d’histoire, auquel vous êtes resté fidèle malgré les sirènes de l’étranger, jalouses de votre érudition. Vous y ancrez vos recherches et y devenez professeur en 1998 en poursuivant votre activité scientifique dans un fort engagement en faveur de la transmission de savoirs, la mise en valeur de l’Histoire, avec un grand H, en tant que science, ou encore la promotion de l’accès de tous au patrimoine.
-  Je ne ferai pas un inventaire de vos travaux scientifiques ou de vos actions auprès des fondations et associations, qui mériterait une conférence. Je me limiterai, cher Edhem à quelques-uns, permettez-moi le mot, de vos exploits.
-  C’est fort de votre travail qu’entre 1990 et 1994, la Banque ottomane, alors sous administration française de Paribas, se dote enfin d’un inventaire général de ses archives, publié par l’IFEA.
-  Puis, en collaboration avec Jean-Louis Bacqué-Grammont et Nicolas Vatin vous développez un programme de recherche sur la loge Bektashi-Alevi à Merdivenköy, ainsi que sur les cimetières ottomans d’Istanbul, reflets de l’histoire sociale ottomane.
-  Fin connaisseur des archives ottomanes, vous avez travaillé sur les documents de Murad V et de son fils Selahaddin, y trouvant l’opportunité de capturer la vie d’une certaine partie de la société ottomane à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, l’une de plus riche périodes d’interaction économique et culturelle avec la France.
-  Vous avez donné un nouvel élan, une nouvelle dimension aux études ottomanes, que vous avez ouvertes au champ entier des disciplines scientifiques, de l’économie à la géographie en passant par l’archéologie.
-  C’est grâce à votre ténacité, parfois au risque de déplaire, que vous avez redonné aux recherches historiques leur rôle incontournable dans le débat public et politique, un rôle plaidant pour l’objectivité, le recul, la réflexion et le dialogue, un rôle que vous défendez brillamment.
-  C’est cette contribution qui vous a été reconnue par vos pairs, lorsque, en 2018 vous êtes devenu titulaire pour cinq ans de la chaire internationale d’Histoire turque et ottomane du Collège de France. De votre leçon inaugurale, intitulée « L’Empire ottoman et la Turquie face à l’Occident », je retiendrai particulièrement votre appel, je vous cite, « à la défense et à la reconquête, d’une discipline et d’un domaine assiégés par des courants et des pratiques idéologiques des plus néfastes ». Propos qui, je l’ai dit un peu plus tôt, prennent un sens singulier au moment où en Europe même l’histoire est instrumentalisée pour justifier une guerre d’agression.
-  C’est dans ces lieux où vous avez vécu, par votre présence ou vos recherches, cette ancienne ambassade de France auprès de la Sublime Porte et à deux pas de l’IFEA, que j’ai l’honneur de vous remettre cette décoration.
Monsieur le Professeur Edhem Eldem, au nom du Président de la République, et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, nous vous faisons Chevalier dans l’Ordre national du de la Légion d’honneur.
[Remise de décoration et accolade]

Dernière modification : 07/11/2022

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